DOIT-ON SOFFUSQUER DES RESULTATS DE TOTAL ?

Il est de bon ton de dénoncer les résultats incroyables du groupe pétrolier français : 12,6 milliards d’euros en 2006, soit une augmentation de 5% par rapport à l’année précédente.
Mais que reproche-t-on précisément au géant du CAC 40 et ces critiques sont-elles légitimes ?
Critique morale
1. Existe-t-il un seuil à partir duquel les résultats d’une entreprise deviennent amoraux ?

Le résultat net, quant à lui, n’a de sens que si on le compare à d’autres postes de dépense. A ce titre, il est intéressant de remarquer que le groupe a investi (hors acquisition) environ 11 milliards d’euros l’année dernière dans des projets d’exploration et production qui ont notamment pour but de réduire l’impact de l’augmentation des difficultés d’extraction sur le cours du brut à long terme.
En outre, la mission sociale de Total ne me paraît pas mal remplie. Sur l’ensemble de la planète les activités du groupe sont taxées à hauteur d’environ 12 milliards d’euros par an, pour comparer, l’UNICEF avait en 2001 un budget de 1,16 milliards d’euros (source Quid).
Critique sociale
2. La rémunération des actionnaires, le tiers du résultat net du groupe pétrolier, est-elle illégitime ?

Alors sont-ils trop rémunérés ? Sur un plan purement stratégique il faut garder à l’esprit que les activités d’extraction, de transport et de distribution de pétrole nécessitent d’énormes besoins financiers qui obligent l’entreprise à séduire les actionnaires en leur redistribuant une part importante des bénéfices.
La question est ensuite de savoir si, d’une manière générale, la rémunération des actionnaires se fait au détriment des non-actionnaires qui participent également à la création de richesse au sein de l’entreprise : le fameux débat partage des bénéfices entre capital et travail. Quelle que soit la réponse que l’on donne à cette question, le phénomène est parfaitement indépendant du bon vouloir de Total et reflète une tendance générale des économies industrialisées (voir notamment le théorème de Stolper-Samuelson). Plutôt que de s’y opposer, il est possible de s’y adapter en favorisant l’accès de petits porteurs au capital des entreprises. En effet, les entreprises du CAC 40 sont détenues à 45% par des investisseurs étrangers. C'est-à-dire que, chose paradoxale, les dividendes reversés aux actionnaires par Total (groupe français) vont notamment permettre de payer les retraites des vieux américains qui se dorent la pilule sur les plages de Floride. Facilitons l’accession des Français aux fonds de pension et plus personne ne s’offusquera des résultats de Total.
Critique du consommateur
3. Les prix à la pompe sont-ils trop élevés par rapport aux bénéfices du groupe pétrolier ? Et Total doit-il protéger l’environnement ?

Enfin, une question qui revient souvent : le groupe pétrolier doit-il payer pour les problèmes environnementaux ? S’il est jugé coupable pour la catastrophe de l’Erika, il devra payer. Si ce n’est pas le cas, il est absurde de lui demander de le faire. Attendons donc le jugement. Par ailleurs, c’est déresponsabiliser le consommateur que de laisser penser que c’est le producteur qui doit payer pour des dégâts sur l’environnement. Nous sommes tous bien heureux d’utiliser nos voitures et tous les produits que nous consommons englobent, d’une manière ou d’une autre, du pétrole (ne serait-ce que parce que c’est l’énergie qui amène ces produits jusqu’à nous !), j’ai personnellement l’impression d’être mal placé pour demander des comptes à Total qui ne fait que satisfaire ma demande…