VOTE UTILE OU VOTE STRATEGIQUE ?
On entend beaucoup le parti socialiste réclamer le vote utile (voir et écouter ici) pour assurer sa présence au second tour des élections présidentielles. Au contraire, les différents partis de gauche appellent leurs électeurs à ne pas céder à ces sirènes.
L’un a-t-il davantage raison que les autres ?
En fait, la question qui se pose est de savoir s’il existerait un vote raisonnable qui assurerait aux grands partis l’accession au second tour et un vote passionnel, mais risqué, qui pousserait les électeurs des extrêmes à voter dès le premier tour pour leur candidat favori.
Je crois qu’on a tort de sous-estimer la rationalité des électeurs qui doivent arbitrer entre deux choix :
- Soit ils votent effectivement pour le gros candidat dont ils s’approchent le plus, même si celui-ci n’incarne pas leurs idées.
- Soit ils choisissent de voter pour le candidat qui incarne au plus juste leurs valeurs, même s’il savent parfaitement que ce dernier n’a aucune chance d’accéder au second tour.
Or contrairement à ce que certains laissent penser, ce deuxième choix n’est pas irrationnel. Voyons pourquoi avec cet exemple :
Imaginons un électeur sensible aux propositions du parti écologiste de Voynet. Il sait bien que si le parti qu’il soutient parvenait à réaliser un excellent score dès le premier tour, le PS serait contraint, pour s’attirer au second tour les faveurs des sympathisants écologistes, de s’engager sur des propositions concrètes en faveur de l’écologie. D’un autre côté, s’il vote dès le premier tour pour la candidate du PS, rien ne luis assure que les questions qui lui tiennent à cœur feront parties du programme du parti…
Son choix est donc rationnel, mais totalement indissociable de celui des autres votants, puisque s’il désire que ses idées écologistes s’expriment, ils souhaitent également que Ségolène Royal soient au second tour.
Les électeurs, à la marge, sont donc confrontés à un sérieux manque d’information. En effet, ne maîtrisant pas le vote de leurs concitoyens (on connaît les limites des sondages en matière d’exactitude), ils ne peuvent pas maximiser leur satisfaction à travers le vote.
Pour y remédier, on pourrait parfaitement imaginer que les résultats des votes soient connus tout au long de la journée électorale. Certains objecteront qu’on biaiserait ainsi les élections, mais en vertu de quoi le vote ne pourrait-il pas être stratégique ?
Une autre solution serait d’augmenter le nombre de tours (voir ici pour plus de précision sur différentes options) afin que les électeurs aient une possibilité d’affiner leur stratégie de vote dans le temps.
J’ai entendu dire que, cette année, cerains publieraient les premières estimations de résultat à partir de 18 heures (en France, la loi l'interdit avant 20 heures). Personnellement, j’attendrai donc le dernier moment pour voter... stratégique !